De l’école de commerce à l’Institut Paul Boccuse, Jean-François Têtedoie est rapidement revenu à sa passion première : la gastronomie. Après un début de carrière à l’international, Jean-François revient à Lyon, et devient un food entrepreneur prolifique : en 8 ans, il co-fonde 4 établissements lyonnais, et ne s’arrête pas là ! Fort de son expérience, il rejoint la team mentor Service Compris Lyon, pour accompagner les futurs food-entrepreneurs lyonnais à concrétiser leurs projets food.
Retour sur un parcours de chef-entrepreneur ⬇️
Hello Jean-François ! Peux-tu revenir sur ton parcours, de l’école de commerce jusqu’à ton entrée dans le monde de la gastronomie ?
Jean-François : En sortie de baccalauréat j’ai souhaité faire une école de commerce, comme à peu près tout le monde, dans la mesure où je ne savais pas trop quoi faire. J’étais déjà passionné par le métier mais je me suis dit que ce serait idiot de ne pas essayer autre chose, sans trop savoir quoi faire. Je me lance dans une école de commerce. Ça dure 4 mois. Je me tourne les pouces. Je me rends compte que ce n’est pas fait pour moi. Et à cette époque, je vois des amis de lycée qui ont intégré l’Institut Paul Bocuse. Je me dis que c’est l’école qu’il me faut. Car je retrouve à la fois mon métier, et plein de choses sur les ressources humaines, le management, la finance, et tout ce qui arme un entrepreneur.
Donc te voilà intégrant l’Institut Paul Bocuse à Lyon ?
Jean-François : Non, pas directement. Avant cela, l’Institut me dit qu’il faudrait que j’ai un meilleur niveau d’anglais. Donc je pars travailler au Ritz-Carlton en cuisine. J’y parle finalement plus espagnol qu’anglais mais au moins je suis parti à l’étranger. J’intègre l’Institut Paul Bocuse en 2009, jusqu’en 2012. Pendant ces années, je vis trois belles expériences de stage notamment à l’hôtel Martinez à Cannes, au restaurant la Palme D’Or (2*), puis au restaurant école de l’Institut Paul Bocuse à Shanghaï.
J’ai aussi pu découvrir la restauration en hôtellerie lors de mon expérience au Mandarin Oriental à Barcelone.
Une fois diplômé, quelle a été la prochaine étape pour toi ?
Jean-François : Le diplôme de l’Institut en poche, l’ancien Directeur de l’Institut me dit “Jean-François, il faut retourner à Shanghaï, et vous prenez la direction du restaurant”. C’était une première opportunité de dingue. Je sortais de l’école mais je restais encore un peu dans son cocon. Je repars à Shanghaï, et j’y reste presque 3 ans. Là, je fais du “cross-culture” management. J’ai à peu près 60 étudiants à charge chaque année, à la fois des étudiants de l’Institut Paul Bocuse, français ou non, et des étudiants de différentes écoles chinoises, tout ça en pilotant un restaurant d’application. Là-bas, on reçoit du public et on propose une cuisine qui reflète la cuisine gastronomique française avec les codes de Bocuse. On leur apprend à la fois les couverts, la verrerie nécessaire jusqu’au digestif en fin de repas. Vraiment tout l’art de vivre à la française !
Tu y es donc resté 3 ans. C’est après cette expérience que ton envie d’entreprendre est apparue ?
Jean-François : Cette expérience a été superbe. Je commençais cependant à trépigner un peu. Je me disais que si c’était pour continuer à travailler sur ce rythme-là, autant le faire pour moi. Et là, j’ai mes deux parents, qui ne sont plus ensemble et qui ont chacun leurs affaires de leurs côtés, qui me proposent de travailler avec eux. Mon père me propose de travailler avec lui au restaurant gastronomique Têtedoie. Ma mère me propose d’ouvrir un restaurant à côté du sien. J’ai choisi de faire ni l’un, ni l’autre. La troisième option a été d’entreprendre.
Voilà donc le déclencheur ! Tu te lances dans l’aventure entrepreneuriale, mais pas seul, c’est bien cela ?
Jean-François : J’ai tout de suite pensé à mon meilleur ami Lemmy, qui me suivait depuis le lycée et qui a fait l’Institut Paul Bocuse aussi. Il a un profil très finance, administratif et gestion courante et moi, je suis très opérationnel (cuisine et salle). Je pensais qu’on était fait pour s’associer.
Nous voilà partis dans l’aventure. On recherche un local pour le Café Terroir. On se lance dans l’aventure avec l’intention de recréer un peu le café comptoir anglo-saxon où tu peux manger un œuf dur mayonnaise, comme tu peux te faire une grosse côte de bœuf avec grosse garniture. La conceptualisation du bistro est un peu en marge de ce qui se faisait en France. On revient dans un cadre beaucoup plus précis : un menu le midi, une carte entrée, plat, dessert, à laquelle on rajoute les rôtisseries qui font notre ADN aujourd’hui. On démarre à fond.
Tu étais seul en cuisine au lancement ?
Jean-François : On recrute Florent Poulard en cuisine, qui est un ami aussi de l’Institut Paul Bocuse et qui avait 3 ou 4 mois à tuer avant d’aller à New York. Il nous sauve la mise car l’ouverture a été plutôt violente : la presse s’en étant mêlée, on avait une grosse affluence et on n’avait plus l’énergie de gérer à deux. Donc on embauche Florent et d’autres personnes. Nous voilà partis.
Rapidement après l’ouverture de Café Terroir, vous ouvrez La Cave Café Terroir. Comment s'est passée cette ouverture ?
Jean-François : Fort du succès rencontré, on repère qu’il y a des garages qui sont à louer. On fait la demande à la régie de transformer ces garages en un commerce. Et c’est comme cela, qu’on a créé la Cave Café Terroir, qui est le bar à vin avec une identité un peu différente. La Cave est axée sur le vin avec au départ que des petites assiettes à partager, une cuisine beaucoup plus simple et efficace. On prend le parti d’ouvrir la carte des vins à la France entière voir à l’étranger, car au départ on n’avait que 25 références au Café Terroir qui était très axées local. L’ADN du départ, c’était de faire un concept où tous les produits venaient des alentours de Lyon. Très utopique mais qui a bien plu. Avec le bar à vin, on s’est autorisé à élargir un peu l’offre. Nous voilà maintenant avec plus de choix à proposer au client.
On sait aujourd’hui que tu ne t’es pas arrêté là, et qu’un troisième établissement a vu le jour à la suite de tes deux premières ouvertures.
Jean-François : Oui exactement. Florent revient de New York et à son retour, nous dit qu’il a adoré travailler avec nous. Il s’installe, mais n’a pas d’argent. Il ne veut pas s’associer sur le Café Terroir car il veut faire sa propre cuisine. Et là il nous demande si on veut entreprendre ensemble. Nous voilà partis dans l’aventure de Monsieur P en 2017.
2017 a été une année assez intense et en même temps, on avait une bonne réputation à Lyon. On était sûrs de cette association avec Florent parce que c’est un super chef. Il n’avait juste pas d’argent et pas de vision de ce qu’il pouvait proposer. Donc notre expérience de Café Terroir et la Cave, mêlée à son talent fait qu’on a décidé de se lancer et on ouvre en novembre 2017, rue Royale, dans le premier arrondissement collé à une maison mythique : La Mère Brasier.
Aujourd’hui, Monsieur P est Place des Célestins dans le 2e arrondissement de Lyon non ? Pourquoi et comment s’est opéré ce changement ?
Jean-François : En 2019, on apprend que la Brasserie Chavand place des Celestins est à vendre et qu’il y a la possibilité de la reprendre. Je prends le dossier en main, je chauffe les deux associés en leur disant que je crois que c’est le local qu’il faut pour Florent. Il cartonnait rue Royale, mais il avait besoin de plus grand, notamment à cause de la cuisine où il ne pouvait pas évoluer. C’était logique de bouger. Mais il fallait vendre le restaurant pour racheter le local place des Celestins. On a eu une bonne étoile, on a trouvé un acheteur à un certain prix qui nous a permis de faire notre apport pour acheter place des Celestins. On ouvre le 5 février 2020 et on referme le 14 mars 2020, puisque COVID.
Grosse panique, qu’est-ce qu’on va devenir avec nos investissements plein le dos ? C’est un peu violent. Heureusement que Café Terroir avait les reins très solides, et avec l’aide de l’Etat, on a pu tenir la barre du COVID. Expérience entrepreneuriale assez riche et extrêmement flippante.
À la suite de la crise sanitaire, vous vous êtes relevés et vous avez décidé d’ouvrir une épicerie !
Jean-François : Oui, le Petit Kiosque rue des Jacobins. On est sur un modèle différent économiquement car on parle d’une concession de La Mairie. On présente un dossier auprès de la Mairie qu’on défend à l’occasion d’une soutenance et on propose la valorisation du terroir Auvergne-Rhône-Alpes sous forme d’épicerie et de produits à emporter.
Nous voilà avec une troisième entité pour Café Terroir. C’était la suite logique : le bistro, le bar à vin et l’épicerie. Et tout cela finalement dans le même quartier car on est à 80 mètres.
4 établissements ouverts, et aujourd’hui, tu es devenu mentor Service Compris à Lyon, pour accompagner, à ton tour, les futurs food-entrepreneurs. Comment s’est opérée cette rencontre ?
Jean-François : C’est par le biais de Ludovic Mey. Il était mentor Service Compris à Lyon et avait de gros projets en route, et devenait moins disponible pour les futurs entrepreneurs. Il me voyait bien prendre la suite. Au début, c’était un petit peu le flou pour moi. Mais Julien Fouin m’a convaincu en m’expliquant les tenants et les aboutissants.Donc finalement, je me suis dis que ce n’était pas ininteressant pour des gens qui s’installent, d’avoir mon retour d’expérience. Même si on a fait beaucoup de choses, cela ne fait que 8 ans. On n’a pas non plus une expérience de dingue. On fait encore des erreurs mais après, qui n’en fait pas ? Au bout du compte, je me suis dit qu’il ne fallait pas trop hésiter. J’ai accepté le challenge. Là je pars pour la 2e saison, en continuant à mentorer Florian, avec son projet Le Louis, qui est en très bonne voix.
Comment se passe cette première expérience de mentorat avec Florian ?
Jean-François : L’expérience avec Florian s’est très bien passée. Il arrive au bout, il recherche son local et il va se lancer. Donc fort de cette expérience-là, je me sentais capable d’en faire une deuxième. C’est vrai que c’est assez intéressant de piloter entre guillemets des projets qui ne sont pas les nôtres en étant dans l’accompagnement, dans le conseil, sans être dans la décision.
Est-ce que cette expérience de mentor t’enrichit d’une manière ou d’une autre dans ta propre vie d’entrepreneur ?
Jean-François : C’est un peu comme se regarder dans la glace parfois. On vit des situations qu’on a déjà vécues mais avec moins de stress donc je dirais que ça m’assagit dans la gestion d’un projet.
Un conseil que tu donnerais à un futur food-entrepreneur qui aimerait s’installer à Lyon ?
Jean-François : Lyon est une ville extrêmement exigeante. La clientèle est exigeante sur ce qu’elle mange, ce qu’elle boit parce que c’est une ville qui a une histoire dans la gastronomie. De ce fait, quoi qu’on fasse : de la street food, de la restauration très haut de gamme, ou du milieu de gamme, il faut partir du principe que les gens sont très exigeants.
Ce n’est pas une question de quartier, parce que ça bouge à peu près partout à Lyon. Selon les projets, il y a des choses différentes, donc bien choisir son quartier mais je pense que c’est de faire quelque chose de qualitatif quoi qu’on fasse. Parce qu’à Lyon, ça ne pardonne pas quand ce n’est pas qualitatif.
Et toi, des projets pour la suite ?
Jean-François : Aujourd’hui, on a une opportunité avec un ami vigneron, qui est basé dans le Beaujolais et qui nous a sollicités pour faire une ouverture de restaurant dans son domaine à Anse, donc la prochaine ouverture sera au printemps 2024. On proposera les recettes phares de Café Terroir sans proposer la même cuisine qu’aujourd’hui.
Alors, toi aussi tu rêves de te lancer dans la restauration à Lyon ? Tu as envie de te faire mentorer par Jean-François Têtedoie ?
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